D'une Berge à l'Autre : Raphaël / 27

Publié le par Marie A

D'une Berge à l'Autre : Raphaël / 27

Durant les quelques minutes qui suivirent le départ de Yolande, Raphaël resta avachi dans son fauteuil, à lutter contre la panique. Il envisagea le pire, se demanda comment réagir si elle ne revenait pas… ce qu'allait devenir sa vie, s'il n'avait plus cette femme à proximité...
Après sa réaction, il concevait très bien que passer sa convalescence chez elle ne soit plus d'actualité. Mais carrément tirer un trait sur ses visites ? Retrouver cette oppression, ce sentiment d'isolement, même au milieu de sa bande de copains ? Si elle le lâchait, il perdrait son point d'ancrage, cette sérénité découverte le jour de leur rencontre...
Il était tout aussi évident qu'il ne pourrait plus rester dans la région. Il devrait trouver du travail ailleurs, se refaire d'autres amis… Tout recommencer à zéro alors qu'il avait réussi à se faire un joli *petit nid*… comme il l'avait fait souvent déjà. Evidemment il n'en mourrait pas, ce serait simplement une expérience de plus, dont il ressortirait plus fort, et surtout moins naïf… Mais bon sang… que cela serait douloureux !
Il en était là dans sa réflexion, plongeant inexorablement dans la déprime, lorsque la porte s'ouvrit à nouveau. Le sourire aux lèvres, et à la main une bouteille de jus de fruits servant de vase à un bouquet d’œillets, Yolande reparu comme si de rien n'était, comme si elle ne s'était jamais énervée, comme s'il ne l'avait pas vexée…
- Tiens mon grand, c'est tout ce que j'ai pu trouver pour fêter ça, déclara-t-elle en posant devant lui son pot de fleurs improvisé. Tu aurais certainement préféré une topette de champagne, mais pour ça, on attendra ta sortie d'hôpital.
- Ben… merci… Mais tu… T'étais pas… ?
Bafouillant sous le coup de la surprise, encore perturbé par son scénario apocalyptique, il ne put trouver les mots pour exprimer son émotion devant ce brusque revirement. Et pourtant, elle comprit. Avec une expression pleine de douceur, elle compléta sa pensée.
- Je suis désolée, Raph... je ne sais pas ce qui m'a pris. Ta guérison est si inattendue… je suis tellement soulagée pour toi, même si je ne comprends toujours pas pourquoi tu ne m'as pas téléphoné pour m'avertir.
A nouveau son regard devint noir, son expression se fit accusatrice pour lui reprocher sa dissimulation. Cette petite comédie l'avait visiblement blessée, mais plus Raphaël y réfléchissait, et moins il comprenait cette susceptibilité exacerbée. Après tout, il n'avait tué personne... Mais puisque c'était si important pour elle...
- Ouais, je sais, j'aurais dû t'appeler, capitula-t-il, plus pour lui faire plaisir que par réelle conviction. Je l'aurais fait, s'il n'y avait pas eu cette histoire entre nous… Tu comprends, savoir jusqu'où j'ai failli aller est une chose, mais m'en souvenir vraiment en est une autre…  
- Oh que oui je te comprends ! Venir te voir une fois que tu es sorti du coma n’a pas été facile pour moi non plus tu sais. J'ai hésité longtemps avant de frapper à ta porte… et je dois avouer que j'ai aussi été un peu soulagée quand tu as dit que tu ne me reconnaissais pas...
- Ben tu vois... toi aussi ! s'exclama-t-il, soulagé de savoir ses craintes partagées.
- Jusqu'à un certain point. Tu peux quand même imaginer que ce soit dur à encaisser d'être menée en bateau par ta petite comédie…
- Eh, je t’ai pas menée en bateau ! Je ne t’ai pas avertie, c’est tout… Mais remarque quand même que tu as été la première prévenue !
Cette bien piètre excuse sembla enfin finir de calmer Yolande. Avec un demi-sourire, elle reprit place sur sa chaise, et se plongea dans un silence gêné.
Raphaël aurait voulu réagir, poursuivre la conversation, réitérer ses excuses... n'importe quoi pour abattre ce mur qui s'érigeait entre eux et qui les éloignait inexorablement. Et pourtant son esprit était trop vide pour réfléchir à une parole sensée... d'autant plus qu'il sentait l'étau se remettre lentement en place sur sa poitrine.
- Et maintenant ?
Une douche froide ne l'aurait pas plus mortifié que cette question posée d'un ton léger, comme si elle n'avait aucune importance. Pourtant, le message était clair : Yolande s'interrogeait sur la suite de leur relation ; elle ne semblait plus voir d'intérêt à venir le visiter ; elle le pensait assez fort...
- Maintenant quoi ? murmura-t-il d'une voix étranglée, seul moyen qu'il ait trouvé pour faire cesser ce flot d'interrogations plus angoissantes les unes que les autres.
- Qu'est-ce qu'on fait de tout ça ? expliqua-t-elle, en désignant le classeur en chantier qu’elle s’était remise à feuilleter. Comment tu vois les choses ?... A ton avis, on le balance à la poubelle ?
S'il avait été en possession de tous ses moyens, Raphaël aurait sans conteste exprimé son euphorie par une gifle ou un coup de poing dans l'épaule de Yolande, pour lui montrer à quel point il avait eu peur. Mais parce qu'il ne tenait assis que par la force de sa volonté, il se contenta de répondre un peu trop violemment.
- Ça va pas, non ? C'est important, ce truc-là ! Avec ou sans toi, je vais le finir. J'aurais d'ailleurs dû y penser avant. Parce que la prochaine fois que je perdrai la mémoire, j'aurai peut-être pas une gentille Yolande pour m'aider…

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J
Toujours aussi agréable à suivre...
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M
Mais quelle belle manière de terminer la semaine, avec des commentaires comme ça :-)
M
Voilà ce que j'appelle une &quot;confusion des sentiments&quot;. Un coup Raphaël pense que Yolande va le rejeter, un coup il reprend espoir. <br /> Et nous, on se demande comment tout cela va évoluer et on attend la suite ;-)
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M
Tu as raison, il est en train de prendre une belle et loooongue douche écossaise...<br /> Mais promis, on va en sortir... c'est le rythme de publication ralenti qui fait trouver le temps long :-)