Au Rendez-Vous... : Aimée 9/4

Publié le par Marie A

<---

Mais personne, pas même le Tsar, ne ravive ainsi le passé sans en être affecté.

Tout au long de la journée, le comportement de l’ancien *Bâtard du Château* ne cessa de se dégrader. Il se montra plus cassant, plus irritable et impitoyable qu’à l’accoutumée, allant jusqu'à accompagner son ramasseur de fonds pour collecter les intérêts des sommes prêtées à de pauvres chômeurs à des taux exorbitants. Il éprouva le besoin de retrouver la puissance découverte lors de son arrivée au sein de la bande à Charly, d'inspirer la crainte, de voir la peur liquéfier ceux qui se tenaient devant lui.

Jusqu’au petit matin, jusqu’à ce qu’il rejoigne son épouse dans leur lit, il ne fut plus vraiment lui-même. Sans savoir pourquoi, il sentit une rage, une colère sourde le consumer, dirigées contre tout ce qui l’entourait, sa vie, ses hommes, ses filles, cette ville...

Une grande lassitude l’envahit.

Changer de vie, voilà ce qu'il lui fallait ! Quitter son costume de Tsar, ne plus avoir personne à écouter, à côtoyer. Ne plus être pris à partie pour des stupidités...

En fait, il savait parfaitement ce dont il avait besoin... Et toute sa raison dut lutter contre l'envie impérieuse de s'évader à nouveau, même si c'était pure folie. Il s'en était sorti une fois, à force de volonté, mais s'il succombait à nouveau la tâche serait beaucoup plus dure...

Et pourtant, la tentation de rentrer chez lui pour fouiller au fond de son atelier fut la plus forte... Il en avait encore... un petit peu, mais qui suffirait...

Durant toute la soirée, il ne pensa qu’à cet instant où il fermerait la porte de sa chambre, à la délivrance, à cette seconde où tout s’effacerait pour laisser la place à ce bien-être total que rien d'autre ne pouvait lui procurer.

Il savait qu’il s’engageait dans une voie sans issue, qu’il allait détruire ce qu’il avait péniblement construit, mais cela n'avait pas d'importance. La visite de sa demi-sœur avait été le déclic, l’incident de trop, l’étincelle qui avait mis le feu à sa révolte, qui avait fait exploser sa frustration et sa colère.

Il en avait assez !

Et tant pis pour le reste ! Tant pis pour Aimée ! Maintenant qu’elle était devenue cette reine que tout le monde admirait, elle n’avait plus besoin de lui...

Elle n’avait d’ailleurs jamais eu besoin de lui !

Depuis quatre ans, il se jouait la comédie, mais c’était faux ! Il était temps d’ouvrir les yeux. Elle restait vers lui parce qu’elle n’avait pas le choix, parce qu’elle avait peur de lui, parce qu’il l’avait gagnée dans une partie de poker truquée. Elle vivait à côté de lui, mais pas avec lui. Alors que c'était lui qui avait besoin d’elle ! Qu'elle était la seule à réussir à lui rendre la vie supportable !

Ce fut pour cette raison, parce que depuis qu'elle était sa femme il commençait à percevoir ce qu'était la lumière, le rire, la joie, qu’il décida une toute dernière fois avant la perdition, de se coucher à côté d’elle pour la regarder s’endormir. Il voulut recevoir ce dernier baiser auquel il s'était habitué, entendre encore une fois la respiration devenir régulière et légère, l’admirer dans son sommeil...

Et après, il était résolu à tirer le rideau.

Jamais Aimée ne sut que ce soir-là, elle sauva la vie de Nicolas.

Car gagnée par sa paix, la détermination du Tsar faiblit. Sa raison revint et il prit conscience de l’enfer dans lequel il allait replonger volontairement.

Sa colère se raviva alors, non plus dirigée contre les autres, mais contre lui. Contre cette faiblesse qui l’avait surpris et terrassé, contre son coup de folie... D’autant plus qu’il ne savait pas pourquoi il avait failli replonger ! Qu’est-ce qui pouvait l’avoir mis dans cet état ?

Son père allait mourir…?

Et alors, la belle affaire !

Marie-Eugénie était venue le lui annoncer ?

Elle ne l’avait fait que pour tenir une promesse faite à un mourant.

Aimée connaissait désormais ses origines ?...

Oui ! C’était cela ! Elle savait ce qu'il était. Si elle avait jamais eu un semblant de considération pour lui, elle l'avait perdu en l'entendant parler de son passé...

C’était cela qu’il n’avait pas supporté !

Le soupir qui s’échappa de la poitrine du Tsar, lorsqu’il comprit qu’une fois encore son humeur avait dépendu de l’estime que sa femme avait pour lui, réveilla Aimée et surtout l’inquiéta.

Son homme n’était plus le même depuis la visite de cette femme, et il pouvait dire ce qu’il voulait, elle était certaine que sa mauvaise humeur avait un rapport avec son père. Il avait beau être le Tsar, il était tout de même un être humain...

- Nicolas...

A la faveur de la nuit, elle se sentit protégée des éclairs glacés du regard de son mari. Ce fut pourquoi elle osa lui faire part du fond de sa pensée.

- ...Tu sais, j’ai réfléchi toute la journée. Je comprends que tu n’aies pas envie d’obéir à cet homme... Mais je crois que pour toi, ça serait une bonne chose d’aller lui dire adieu... Pas pour lui, mais pour toi...

Bien entendu, il n’y eut aucune réponse à ses propos. Elle n’en attendait d’ailleurs aucune. Ce qui lui importait était d’avoir donné son point de vue, et que cette remarque fasse son chemin dans l’esprit compliqué de son homme. Tranquillisée, elle le laissa alors quitter la chambre d’un pas énergique, et retourna au pays des rêves.

--->

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
<br /> <br /> L'incompréhension entre deux personnes est souvent le reflet d'un manque de communication entre elles. Heureusement, Aimée a fait un grand pas en lui disant ce qu'elle devait lui dire. Reste à<br /> savoir si le Tsar va suivre ses conseils.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> <br /> Merci merci merci pour tes analyse (qui rejoignent très souvent les miennes) ! <br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> <br /> Excellent épisode qui met en pleine lumière certains sentiments de Nicolas dont on se doutait d'ailleurs ! La courte entrevue avec Aimée est formidable de concision... mais en dit long ! Vivement<br /> la suite !<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> <br /> Je ne te remercierai jamais assez de ta fidélité ni de tes commentaires argumentés ! Sincèrement, c'est grandement apprécié<br /> <br /> <br /> <br />