Le Sac Rouge : 3/4

Publié le par Marie A

L'après-midi fut pareil à la matinée : une fois encore, Alain ne quitta pas l'esprit de Céline. Elle mesura l'importance qu'il avait prise dans sa vie en si peu de temps, et ce malgré ses sautes d'humeur, son vocabulaire plus qu'imagé et son agressivité presque constante. Même ses gémissements nocturnes lui semblèrent devenus indispensables...

- Bon ben ma vieille, maintenant il faut te concentrer sur ton travail, murmura-t-elle soudain, en constatant qu'elle avait failli briser un pied de la console dont elle s'occupait. C'est bien joli, de rêver à un avenir avec Alain, mais il ne faut pas oublier qu'il a juré de partir quand il sera guéri... En plus, il doit avoir quelque part une foule de filles qui l'attendent impatiemment... Allez, réfléchi plutôt au moyen de mettre une petite cheville ici pour caler ce plateau...

Malgré ses bonnes résolutions, elle se laissa plus d'une fois aller à imaginer devenir la petite sœur et la confidente de son invité, celle vers qui il irait lorsqu'il aurait besoin de réconfort. Aussi, la tête pleine de rêves de tendresse et de complicité, elle laissa son ouvrage inachevé à 18 heures précises, pour aller retrouver l'objet de toutes ses pensées, en priant pour qu'il ait gardé son amabilité.

Quelle ne fut pas sa stupéfaction en arrivant à son appartement ! L'homme qui vint lui ouvrir n'avait plus rien de l'être hirsute et barbu quitté moins de 5 heures plus tôt. Rasé de près, ses longs cheveux sacrifiés sous la lame de la tondeuse, il était transformé. Sans raison, Céline se sentit intimidée par la beauté de son invité, par ses traits harmonieux, ce regard plus intense encore, cette petite fossette sur la joue gauche, cette bouche parfaitement dessinée

- ... Sal... euh... c'est vraiment toi, Alain ?

Son expression ahurie sembla grandement amuser le jeune homme, car il esquissa un sourire étrange, qui conféra à son visage une expression où se mêlaient douceur et dureté, gentillesse et cruauté, mais aussi une certaine douleur.

- Eh ! Fais pas cette tête ! C'est moi, Alain ! J'ai enfin pu me raser ! s'exclama-t-il, en la regardant avec des yeux que la gaieté faisait briller.

- Où est-ce que tu as pris un rasoir ? Je n'en ai pas un seul... Tu n'es au moins pas sorti, j'espère ! Stéphane a dit que c'était trop tôt. Tu n'as pas assez souffert, tu as envie de te retrouver au lit encore une fois ?

Cette remontrance, spontanée et irréfléchie, eut raison de l'amabilité du convalescent, qui retrouva son expression froide et butée.

- Excuse-moi, murmura alors Céline, mal à l'aise devant ce brusque changement d'attitude. Seulement, je n'ai pas envie de te revoir malade comme un chien. C'est pas que j'aime pas te soigner, mais...

- Non Mademoiselle ! Je n'ai pas mis un cheveu dehors ! Stéphane m'a apporté ce qu'il fallait cet après-midi. Tu crois que j'ai envie de moisir dans cet appart. de merde ? Je suis trop pressé de foutre le camp pour retomber malade !

Sur ces paroles, il partit dans sa chambre en claquant la porte, et n'en ressortit pas de toute la soirée.

Cette réaction, tout à fait prévisible de sa part, laissa la jeune fille désemparée et pleine de remords. Elle aurait voulu le retenir, lui présenter des excuses, lui dire à quel point sa transformation l'avait surprise et éblouie, mais le courage d'aller l'affronter lui manqua. Elle resta alors dans le salon, les yeux perdus dans le vague, sans parvenir à effacer de son esprit l'expression furieuse d'Alain, ni son magnifique regard attristé, lorsqu'il était passé devant elle pour aller se cloîtrer dans sa chambre. Cette image la hanta tant qu'elle fut incapable d'avaler une seule bouchée du repas confectionné par son hôte, et encore moins de trouver le sommeil.

Durant des heures, elle se tourna et retourna dans son lit, sans réussir à faire le vide dans sa tête. Enfin vers minuit, la fatigue eut raison de son tourment, et elle se sentit envahir par une douce somnolence. Ce fut alors que de longs sanglots étouffés, qu'elle mit tout d'abord sur le compte de son imagination, troublèrent le silence.

Il lui fallut plusieurs secondes pour réaliser que ces plaintes ne provenaient pas d'un rêve, mais de la chambre d'Alain.

Peu désireuse de subir à nouveau les foudres de son invité, si par hasard il était éveillé, elle hésita longtemps avant de succomber à la tentation d'aller vérifier qu'aucune douleur physique ne le faisait souffrir.

Certes, elle s'attendait à le voir dans sa position habituelle, couché en chien de fusil, le coussin étroitement serré contre sa poitrine. Et pourtant, elle fut émue par son expression. Il paraissait si désarmé, si jeune, presque encore un enfant, qu'elle ne put se résoudre à le laisser seul, en proie à tous ses tourments. Précautionneusement, elle approcha le fauteuil du lit, et posa sa main sur le large front, dans un geste assez tendre pour ne pas le déranger. Ainsi, dans cette position, elle ne tarda pas à s'endormir à son tour, bercée par les gémissements devenus moins déchirants.

(...)

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