Le Sac Rouge : 3/5

Publié le par Marie A

Lorsque Céline ouvrit les yeux le lendemain matin, elle s'étonna du confort de sa position. Durant son sommeil, une couverture avait délicatement été posée sur son corps, et son peignoir de bain roulé en boule, glissé sous sa tête en guise de coussin. Touchée par cette sollicitude déconcertante pouvant provenir uniquement d'Alain, elle ne résista pas à l'envie d'aller le remercier, avant de prendre sa douche.

Malgré le temps passé à l'observer durant la nuit, elle n'était pas encore habituée à son visage aux traits réguliers et harmonieux. Ainsi concentré sur la préparation du petit déjeuner, vêtu d'un survêtement beaucoup trop large et d'un t'shirt trop court, il était totalement différent de celui qu'elle avait soigné avec tant de patience. C'était un étranger qui se trouvait devant elle. Un homme d'un charme indéniable, à la beauté troublante, au physique attirant... Comme une gifle, cette séduction lui renvoya l'image de sa propre disgrâce, de son insignifiance, et raviva la douleur causée par les paroles cruelles et haineuse, mais ô combien réalistes, reçues en pleine face deux jours plus tôt. Elle se sentit intruse, indigne de rester dans la même pièce que son invité, et rebroussa chemin le plus discrètement possible.

Trop occupé par sa tâche, Alain n'aurait pas remarqué cette courte visite, si en reculant Céline n'avait heurté le porte-parapluie placé à côté de la porte. Surpris par le bruit, il détourna son attention du bocal de café, pour lever sur sa logeuse un visage vide d'expression.

- Salut ! Bien dormi ? Pas trop de courbatures, après la nuit passée dans le fauteuil ?

- Bonjour Alain. Non, j'étais très confortable... murmura-t-elle, heureuse de cette diversion dans ses sombres pensées. Au fait, merci...

- ... De quoi ?

- C'était gentil de m'avoir couverte...

- Je vois pas de quoi tu parles. C'est toi qui es allée chercher ta couverture. Pourquoi tu es venue dans la chambre ?

- ... Parce que la pendule faisait trop de bruit.

Avec autant de conviction que possible, elle imagina ce petit mensonge, pour éviter d'avoir à avouer s'être inquiétée de ses gémissements, par peur de le voir perdre son amabilité matinale. De même, elle fit semblant de croire qu'il n'avait rien fait pour la préserver du froid, alors qu'elle se connaissait assez bien pour savoir qu'elle ne serait jamais retournée au salon sans s'étendre sur le divan.

Ainsi, renonçant à comprendre pourquoi il refusait de se montrer gentil et attentionné, elle alla se préparer pendant qu'il dressait la table.

 

Dès lors une nouvelle routine s'installa entre les deux colocataires :

Céline partait le matin après avoir changé le pansement de son invité, et rentrait à midi pour se mettre à table, et avaler un excellent déjeuner. Elle retournait à son atelier à 13 heures, et ne rentrait le soir qu'après avoir terminé son travail en cours. Alain, de son côté, passait ses journées à se reposer, faire les repas, s'occuper du ménage, et se distraire avec les moyens du bord. Le soir, les deux jeunes gens se retrouvaient au salon, et passaient la veillée côte à côte, bien souvent sans échanger une seule parole.

Pour le plus grand bonheur de Céline, son compagnon s'apprivoisa lentement, sans toutefois devenir un saint. Il eut de plus en plus souvent le sourire aux lèvres, et tenta de se montrer agréable. Ces progrès, fulgurants du point de vue de Céline, ne furent en fait que très discrets : le jeune homme redevenant froid et distant au moindre intérêt trop poussé pour son passé ou sa famille.

Ainsi, au fil des jours et des nombreuses sautes d'humeur de son protégé, la jeune fille apprit à respecter les limites fixées, et les soirées se déroulèrent de plus en plus calmement, sans altercation ni nouvelle explosion de rage.

Grâce à cette atmosphère détendue, la santé du malade s'améliora rapidement. Comme Stéphane le soupçonnait, et fort heureusement, le test du Sida s'était révélé négatif, ce qui avait soulagé Céline d'une grande inquiétude. Alain par contre, en apprenant l'analyse dont il avait fait l'objet, était entré dans une telle fureur, qu'il avait failli démolir le médecin, mais une quinte de toux grasse l'avait calmé juste avant l'assaut fatal.

Cette réaction brutale n'avait pas le moins du monde surpris le praticien, qui avait droit à chaque visite aux invectives de son malade. Céline était en effet la seule personne à connaître Alain sous un aspect moins agressif, alors que Stéphane subissait toujours autant d'attaques, au point qu'il se demandait sérieusement si la jeune fille ne se faisait pas du cinéma, à imaginer son hôte gentil, intelligent, intéressant et même agréable. Pour sa part, il était de plus en plus persuadé d'être en présence d'un descendant d'Attila, incapable d'éprouver la moindre compassion pour personne. Mais, malgré le peu d'estime qu'il éprouvait pour le jeune homme, il continuait tout de même à le soigner avec patience et bonne humeur, par égard pour Céline.

(...)

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